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Le métier de UX Designer est la convergence de deux métiers : Ergonome et Designer graphique. Je vous propose un ensemble de quatre podcasts ( 09 - 10 - 11 et 12 ) dans lesquels je vais vous exposer un aperçu des différents modèles théoriques psychologiques sur lesquels reposent l'ergonomie. Dans cet épisode, je vous parle de Freud et des Comportementalistes...
Transcription écrite du podcast :
Bienvenue sur le podcast Parlons UX Design.
Je suis Thomas Gaudy, UX designer spécialisé en accessibilité des jeux vidéo aux personnes ayant un handicap.
Salut tout le monde, bienvenue sur ce 9e podcast Parlons UX design. Aujourd'hui, je vous propose de parler d'autres points méthodologiques pour ce métier qu’est le UX design. Ce métier c'est la convergence de deux autres métiers donc déjà ça commence un peu bizarrement ! C'est la convergence de l'ergonomie et d'un métier de designer graphique. Ce qui est intéressant c'est que ce sont deux parcours universitaires complètement différents : l’ergonomie en général tire ses racines du côté de la psychologie le plus souvent ( je reviendrai là-dessus ). Ça va être d'ailleurs le propos de ce podcast, de parler de psychologie, de voir qu'elles vont être les différentes successions de modèles théoriques qui font que l’ergonomie va plonger ses racines dans ces différents modèles, en prendre un petit peu partout et puis réussir à établir des théories, des recommandations qui vont pouvoir servir à l'amélioration de divers projets.
Le design graphique sera moins le propos de ce podcast, on aura l'occasion d'y revenir mais pour résumer ça très succinctement, c’est la capacité à communiquer de façon succincte, graphique, le moins textuel possible, même si il faut du texte quand même, avec ce bon adage : une image vaut mille mots.
Alors c'est bien mais si on est capable de communiquer de façon graphique mais sans avoir de racine théorique, le problème c'est que l’on peut se mettre à communiquer un peu n'importe quoi. Alors je ne dis pas que ce n'importe quoi est forcément mauvais, ça peut être esthétiquement très plaisant. Ça peut bénéficier d'une très forte expertise du designer, et assez souvent tomber juste. Le problème c'est que si il n'y a que cette expertise graphique, il n’y a pas forcément la sensibilité pour prendre en compte d'autres facteurs psychologiques sur les capacités de mémorisation des utilisateurs, sur les capacités de perception, selon telle ou telle règle, sur les capacités d'apprentissage.
Ces différentes notions, et il y en a plein d'autres, plongent dans la psychologie. Pas seulement dans la psychologie, cela plonge aussi dans d’autres domaines, cela relève également de la sociologie, de l’anthropologie, de toutes sortes de sciences humaines très diverses, mais pour ce podcast, je vais parler essentiellement de différents modèles psychologiques.
Je parle de psychologie car cela correspond à mon parcours, j'ai fait des études en psychologie pendant cinq ans. Je ne suis pas psychologue, j'ai doublé la 4e année, donc je n'ai pas le titre. Pour la 5e année je suis passé à l'ENJMIN (Ecole nationale du jeu et des médias interactifs numériques), école publique de jeux vidéos en France, qui a été une excellente expérience. Et je suis devenu Ergonome spécialisé dans les jeux vidéo.
Ce que je vais vous résumer là en quelques dizaines de minutes, ce propos d’aperçus de différents modèles psychologiques, va s'étaler sur plusieurs podcasts. Je pense qu'il y en aura 4 dédiés à cette succession de modèles. Dans ces podcasts, on va voir qu’il n’y a pas qu'une psychologie, il y en a plusieurs, et on va voir qu’en général les adeptes de tel ou tel modèle ne s’apprécient pas forcément entre eux. La psychologie c'est un vaste champ de bataille dans lequel il y a plein de modèles concurrents, il y a plein de familles de modèles concurrents et ils ne s'apprécient pas tous, bien au contraire !
Ces études que j'avais faites à l’UFR de psychologie de Rouen, avec pas mal d’excellents professeurs et pas mal de mauvais aussi. Ils n’étaient pas tous bons là-bas mais je garde de très bon souvenirs des excellents profs qu’il y avait dans cette faculté. Ce qui était vraiment amusant c’est de voir que oui, ils ne s'apprécient pas forcément entre eux !
J’ai pour ma part passé cinq ans, à temps plein, à étudier la psychologie. Vous comprenez évidemment que si je tente de vous faire un résumé de ces différents modèles, évidemment ça ne va pas aller. Évidemment, ça va être caricatural, il y aura des approximations, il y aura des choses qui seront grossièrement survolées. Bref, ça va être très facile de contester la qualité, la teneur de ce que je vais vous dire. Ça va être trop grossier comme aperçu, mais je pense que, même de façon un peu caricaturale, ça va vous permettre de comprendre un petit peu plus l'évolution de ces différents modèles. Peut-être ses principales idées, et surtout de voir comment et pourquoi différents modèles se sont succédés et comment ces différents modèles ont donné lieu à des principes, des recommandations, des règles de conception qui nous intéressent dans ce métier.
On commence avec Freud, comment éviter ça ? Alors je pourrais partir plus dans l'Antiquité avec les gens qui s'intéressent à des notions à peu près approximatives de l’inconscient. Là, c'est partir un peu plus dans le détail. Pour moi Freud, c'est un bon point de départ, un point de départ que je n'apprécie pas particulièrement personnellement. Il y en a plein qui sont tout à fait fan, il n’y a aucun problème avec ça. Disons qu'il a au moins eu l’avantage de réussir à faire parler de la notion de psychologie et de là ont émergé pas mal de nouveaux modèles, en réaction à ce qu’a établi Freud. Ce qu’a établi Freud ce n'était pas un modèle unique, c'était une succession de modèles, qui d’ailleurs se contredisaient les uns les autres. On connaît tous un peu dans la culture commune les histoires de moi, surmoi, ça et pas mal d'autres choses que je ne vais pas voir en détail, et qui se contredisent encore une fois.
Ce qui est intéressant, c’est la méthodologie de Freud. Il se basait essentiellement sur l'introspection. L’introspection c'est quoi ? Ça consiste à réfléchir, à se dire “comment ça se passe dans ma tête” et ensuite de généraliser. De se dire, bon d'accord dans ma tête ça se passe de telle façon, donc ça se passe probablement de la même façon dans la tête des autres gens. Donc à partir d'une expérience individuelle, qui ne repose d'ailleurs sur aucune mesure, cela étant juste une espèce de réflexion sur soi-même, en tirer une généralisation comprends plein de biais.
Pour démonter l'empire de Freud, ce que j'aime bien c'est le bouquin de Michel Onfray, “Le crépuscule d'une idole”. Je sais que Michel Onfray est assez polémique, il y a plusieurs facettes à cet auteur, je ne connais pas toutes les facettes de cet auteur, qui a été très prolifique. Il a écrit plein de bouquins et puis il a parfois des positionnements politiques un peu contestables. Il ne s'agit pas de discuter de ça dans ce podcast. Je parle juste du Michel Onfray qui a écrit le livre “Le crépuscule d'une idole”, qui revient sur l'analyse des différents ouvrages de Freud, de la compréhension de sa situation familiale et sociale, et de ses aspirations. Et de voir qu'en fait, résumé de façon très grossière une fois encore, c’était essentiellement quelqu’un d’assez égocentrique, avec une situation familiale exceptionnelle et inspiration et un amour pour l'argent qui avait l’air assez fort et qui a guidé pas mal sa carrière. Avec notamment le principe de faire des thérapies aux personnes qui en avaient les moyens, et surtout pas forcément de chercher à soigner les personnes des classes populaires. Donc cela en fait un personnage déjà un peu trouble.
L'ouvrage “Le crépuscule d’une idole” va vraiment dans le détail pour réussir à soulever un grand nombre de ces contradictions, était vraiment très intéressant mais je vais passer rapidement sur la suite. Ce qui est intéressant avec cette démarche, c’est que cela a été assez populaire, le phénomène Psychologie a pris beaucoup d’essor. Mais il y a eu aussi plein d'autres personnes qui se sont positionnées pour accompagner ou poursuivre les travaux de Freud. Et là cela a soulevé un point intéressant, c'est que si chacun met en place l'idée d’introspection et comme personne ne réagit, ne réfléchit exactement de la même façon, parce qu'on a des situations familiales différentes, parce qu'on a des aspirations de vie différentes. Déjà que Freud se contredisait avec lui-même en fonction des différentes périodes de sa vie ; c'est évident que ses collaborateurs allaient contredire Freud. Donc il s'ensuivit pas mal de clashs et de désaccords assez brutaux.
Qu'est-ce que ça a donné cette méthode d’introspection ? Cela a donné plein de gens qui finalement n’étaient pas d'accord entre eux pour expliquer comment le monde fonctionnait, comment les gens fonctionnent. Et après c'était celui qui criait le plus fort, qui était le plus fort ou qui avait la plus belle plume, ou qui était le meilleur orateur. Bref, le débat pas encore scientifique était déplacé sur un débat plutôt d’éloquence. Et évidemment cela ne marchait pas. Alors un exemple de débat qui fait que c’est un petit peu délicat : deux façons de voir le monde. Est-ce que ce sont les notions, le vocabulaire qu'on a qui permet de comprendre le monde ? Ou est-ce que c'est notre compréhension du monde qui permet d'établir un nouveau vocabulaire ? Cela peut sembler un petit peu simpliste en fait cette question mais quelque part elle est assez cruciale. Cela permet vraiment de comprendre qu’il y a deux approches vraiment très très différentes pour savoir comment l'individu peut s'établir dans son environnement.
Et ce n'est pas du tout la même chose, selon que de notre compréhension du monde on établisse notre vocabulaire ; ou bien que de ce vocabulaire, on établisse notre compréhension du monde. C’est très différent. Il y a d’autres linguistes qui vont faire avancer le débat. On en reparlera dans d’autres podcasts. Mais là, avec ce positionnement de départ, on ne peut pas avancer. C’est pour ça, par rapport à cette absence de méthode, de cette technique d’introspection, qu’il y a d’autres psychologues qui veulent approcher cette question de Comment fonctionne la psychologie ? Comment fonctionne la façon de se comporter ? Sur quoi s'établit et s'élabore notre façon de penser ? En utilisant des méthodes un peu plus scientifiques.
Qu’est-ce qu’une méthodologie scientifique ? C'est quelque chose qui s'appuie sur des faits observables, avec un protocole qu’on peut reproduire. On part d'une hypothèse, on établit un protocole, on dresse des variables. Et puis de cela on va réussir à en tirer des résultats observables. Ces résultats on va pouvoir les interpréter, en tirer des conclusions et savoir si nos hypothèses étaient valides ou pas. Surtout, cette démarche-là, on va pouvoir la publier, de façon à ce que des collègues puissent reproduire cette expérience, vérifier si les résultats sont similaires. Et puis argumenter entre eux en s’échangeant leurs résultats, leur interprétation des résultats, ce qui va permettre de faire avancer un petit peu le modèle de compréhension du monde, avec une méthodologie plus courtoise, plus diplomatique, plus basée sur la communication, plutôt que sur des gens qui assez rapidement ne vont plus être d'accord, mais sans qu'ils aient d'arguments solides à s’opposer.
Ça c’est très intéressant, mais comment est-ce que l’on applique cette méthodologie scientifique à la psychologie ? Dans la psychologie il y a deux choses en fait, il y a plein de choses, plein de domaines. Mais on peut dresser une 1re séparation, entre d'une part l’attitude, ce que pensent les gens, ce qu'ils ont en tête, qui est quelque chose de plutôt invisible, non-observable, et d’autre part, le comportement. Le comportement, ça c’est intéressant parce qu’il est observable. L’attitude et le comportement ne vont pas forcément dans le même sens. Pensez par exemple à des gens qui vivent dans une dictature, si ces gens expriment ouvertement leur haine du gouvernement en place, évidemment ils vont être arrêtés et il va leur arriver des choses affreuses. Par contre, s’ils gardent cette rancoeur intérieure et que leur comportement ne laisse rien transparaître de leur attitude, alors là ils ont quand même plus de chance de s'en tirer dans cet univers totalitaire.
Donc c'est pour ça que cette distinction entre attitude et comportement est intéressante. Il y a un nouveau courant de psychologie qui s’est élevé suite aux errances de Freud et de ses collaborateurs. À cause de cette absence de méthodologie, parce que l’introspection n'est pas une vraie méthode scientifique, un nouveau courant : les comportementalistes (ou en anglais behaviorists). Il y a trois piliers qui sont plus connus, et évidemment il y a énormément de penseurs dans ce domaine là. Il y a Watson, qui s'est élevé contre l'introspection. Il y a Pavlov, on connaît Pavlov pour l’expérience avec le chien qui salive si on fait sonner une cloche et que le bruit de cloche est associé à la délivrance de nourriture pour le chien, on reviendra sur cette expérience. Et puis il y a Skinner, qui a fait pas mal d'expériences avec des rats notamment, et qui a mis en place la notion de conditionnement, et qui a permis de voir que l'on peut opérer un conditionnement chez des animaux, dont des humains, les humains étant évidemment des animaux. Et qui a donc permis de réussir à leur ancrer des comportements, basés sur une espèce d’association stimuli-récompense, stimuli-récompense, que l'on va répéter ad nauseam. Ça marche bien.
Ce qui est intéressant c’est cette notion de conditionnement et c'est pas la seule d'ailleurs, il y en a plein d'autres qui sont issues de ce modèle théorique, cette grande famille théorique. C’est toujours très utilisé dans les jeux vidéo, c’est aussi utilisé en particulier dans l'univers des casinos. Ce qui est intéressant, c’est que l’on voit qu’il y a un manque dans une première grosse famille de méthodes, l’introspection. Et puis on se rend compte que cela tourne en rond. Il va y avoir une scission et d'autres chercheurs qui vont se positionner pour discuter d'autre chose. Ce principe de scission va être très intéressant parce que c'est là-dessus que par les frontières établies dans ces différents modèles psychologiques c'est par rapport à ses frontières que différents modèles vont se succéder les uns les autres. Donc le behaviorisme a fait pas mal avancer les choses, parce qu’il y a la considération d'une méthodologie scientifique, d'une communication, de réussir à établir une progression de nos connaissances basée sur des faits observables, dont le comportement. Mais il y a aussi des problèmes parce qu’ils font l’impasse sur énormément de choses. Décider que le domaine observable de la psychologie va seulement être le comportement et pas les attitudes, évidemment cela laisse une grande part de la psychée humaine de côté. Donc il y aura d'autres modèles qui vont s’établir par opposition à ça.
Pour terminer ce podcast sur quelques notions du behaviorisme, le jeu vidéo est en quelque sorte déjà une espèce de gros conditionnement où on va associer toutes sortes de stimuli. Et mettre en place des réponses dans un cycle d'abord assez lent, et au fur et à mesure de plus en plus rapide, jusqu'à ce que cela tienne du réflexe. Et sur la base de ces réflexes, cette espèce d'ensemble d’apprentissages, on va réussir à placer d'autres stimuli pour établir d'autres réflexes. Et au fur et à mesure on va avoir des processus d'apprentissage de plus en plus complexes et potentiellement intéressants. Mais ce n'est pas la seule notion.
Une deuxième notion très intéressante est celle du renforcement intermittent. Le renforcement intermittent a été pas mal étudié dans le cadre de la famille. Par exemple, dans le cas des enfants battus, dont les parents qui peuvent tantôt comme se montrer extrêmement chaleureux et attentionnés vis-à-vis des enfants et à d'autres moments absolument désagréables, voir violents. Il y a différentes formes de violence, elle peut être physique ou psychologique, mais ici les deux formes de violence peuvent être prises en compte. Quand il y a une alternance entre bienveillance et malveillance, sans explication claire pour l’enfant, c'est quelque chose qui peut le rendre complètement fou. L’enfant va chercher à comprendre quelles sont les raisons qui peuvent permuter ses parents tantôt dans un comportement qui va être malveillant et tantôt dans un comportement bienveillant. De cette recherche effrénée, qui n’est pas vaine, mais un peu désespérée parce que le problème n’est pas au niveau de l’enfant, il est en général au niveau des parents. Ce qui peut placer les parents dans un comportement ou l’autre échappe en général totalement au contrôle de l'enfant, donc c'est quelque chose de dramatique. Ce genre de choses va développer des comportements de compréhension et parfois des espèces de pensées naïves, il y a des formes de superstitions qui vont émerger. Ce genre de chose est extrêmement employé dans le domaine des casinos et des machines à sous. Vous avez des systèmes où, pour un même comportement, à savoir parier de l'argent, donc parier du temps, vous allez avoir des systèmes qui la plupart du temps vont vous faire des retours négatifs : vous allez perdre de l'argent, et de temps en temps positifs. Derrière, on peut chercher des comportements logiques mais assez rapidement, à cause d'autres couches d'excitation sensorielle qu’il peut y avoir là-dessus, cette recherche logique et objective ne tient pas.
Par contre, ce qui va tenir, c'est ce système de renforcement intermittent où on va chercher des justifications, on va développer des formes de superstitions et ça peut développer toutes sortes de névroses assez intéressantes à suivre et pas évidentes à vivre socialement. Ces deux notions : conditionnement et renforcement intermittent, mais il y en a bien d'autres, sont déjà sont super intéressantes dans le domaine du UX design, en particulier appliqué au jeu. Mais il y en aura bien d'autres et pour le prochain podcast, on réfléchira à ce qui pourrait émerger des limites du behaviorisme. Mais ce sera pour une prochaine fois !
À bientôt !
Conférence de Michel Onfray - Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne
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Transcription du podcast : Florence Borgetto
Édition : Stéphanie Akré
« Jingle du podcast » : Nous souhaitons remercier chaleureusement Gordon W. Hempton The Sound Tracker® qui nous a fait don de la totalité de sa merveilleuse bibliothèque de sons récoltés dans la nature.
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